Google contre le porno part en guerre contre les armes et le tabac

Par Xavier Deloffre

Dans un communiqué officiel, Google a annoncé pour septembre une série de changements importants dans sa politique AdWords. Si ces ajustements visent en surface à simplifier l’outil pour les annonceurs, ils touchent aussi à des secteurs sensibles comme les armes, le tabac, les feux d’artifice… et bien sûr, la pornographie.

Le porno dans le viseur de Google : Vers une moralisation du Web ?

Depuis plus d’une décennie, Google entretient une relation ambiguë avec les contenus pour adultes. Bien qu’hébergeant l’un des plus puissants moteurs de recherche du monde, Google a toujours cherché à trouver un équilibre entre liberté d’expression, pression sociale, cadre légal international, et exigences commerciales. C’est dans ce contexte que, dès mars 2014, Google a commencé à poser les bases d’une politique plus restrictive envers les contenus à caractère sexuel explicite.

À cette époque, l’entreprise a annoncé qu’elle comptait revoir sa politique concernant les annonces publicitaires diffusées via sa plateforme AdWords. Le 6 juin 2014, la coupure est officiellement lancée : Google informe ses partenaires qu’à compter des prochaines semaines, les publicités promouvant des représentations sexuelles explicites – même dans un cadre artistique ou éducatif – seraient purement et simplement interdites.

Google Adwords contre les armes

« Dès les prochaines semaines, nous n’accepterons plus les annonces promouvant des représentations graphiques d’actes sexuels, même sous forme artistique ou documentaire. »

Mais le porno n’est pas la seule cible. Dans ce même mouvement de « nettoyage » moral, Google annonce également de nouvelles restrictions pour les annonces liées aux armes à feu, au tabac, aux feux d’artifice, et à d’autres contenus jugés « dangereux ». Ces catégories sont désormais intégrées à une rubrique spécifique dans les règles de diffusion de Google Ads, où figurent également les produits médicaux interdits, les drogues, ou encore les techniques financières frauduleuses.

Cette volonté de moralisation du Web n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans un contexte plus large, où les géants de la tech – Apple, Amazon, Meta – sont de plus en plus appelés à jouer un rôle de régulateurs privés. Dans le cas de Google, cette décision a été largement influencée par les pressions de groupes conservateurs, notamment l’organisation américaine Morality in Media, aujourd’hui connue sous le nom de National Center on Sexual Exploitation. Cette dernière a mené de nombreuses campagnes dès 2012 pour faire pression sur les plateformes afin qu’elles cessent de diffuser ou de monétiser des contenus jugés immoraux.

Le cas du porno est emblématique : selon des études de cette époque, environ 30 % du trafic Internet mondial serait lié à des contenus pour adultes. C’est dire si la décision de Google a constitué un virage commercial majeur, acceptant de se priver d’une source potentielle de revenus massifs au nom d’un recentrage éthique (ou politique).

« Ces nouvelles politiques, bien qu’éthiques sur le papier, interrogent sur les libertés d’expression et les choix de consommation dans un écosystème publicitaire mondial. »

Derrière cette décision, certains observateurs voient aussi un repositionnement stratégique : en éliminant les annonces explicites, Google nettoie ses résultats de recherche et renforce la crédibilité de sa marque auprès des institutions, des parents, des annonceurs traditionnels… et des investisseurs. C’est aussi un moyen de se démarquer de plateformes jugées plus laxistes, et d’éviter de nouvelles réglementations imposées par les gouvernements.

Reste que la suppression de ce type d’annonces n’efface pas les contenus en eux-mêmes des SERP, et que les requêtes liées au sexe figurent toujours parmi les plus tapées dans le monde. Mais la logique change : Google n’est plus un simple indexeur neutre, il devient un acteur éditorial qui choisit – via son algorithme et ses règles internes – ce qui mérite d’être visible ou promu… ou pas.

Des mesures pour l’utilisateur… ou pour Google Ads ?

Officiellement, Google affirme que ces décisions ont été prises dans une volonté d’améliorer l’expérience utilisateur. C’est l’argument clé avancé depuis plusieurs années pour justifier l’évolution de ses algorithmes, de ses formats d’annonce, ou de ses décisions de filtrage. Mais lorsqu’on observe la mécanique à l’œuvre, difficile de ne pas y voir une rationalisation marketing bien orchestrée.

En restreignant la publicité autour de thématiques comme le sexe, les armes ou le tabac, Google se positionne en tant que « garant d’un Web sain », compatible avec ses objectifs de croissance dans le secteur B2B, institutionnel, et familial. Ces thématiques, bien qu’en forte demande dans de nombreux marchés, sont aussi controversées, souvent borderline ou difficiles à réguler à l’échelle mondiale. En s’en débarrassant, Google nettoie son image, évite les risques réputationnels, et offre un terrain plus lisible – et plus « vendable » – pour ses autres produits publicitaires.

Porno sur Internet

Est-ce le signe d’un tournant idéologique, ou simplement d’une stratégie marketing ? Il est permis de s’interroger. Le porno, rappelons-le, représente encore aujourd’hui environ 30 % du trafic mondial selon plusieurs études indépendantes (source : Internet Watch Foundation, 2014–2018). Ce secteur pèse lourd, tant en audience qu’en revenus potentiels. Pourtant, Google a choisi d’y renoncer – du moins publiquement – pour mieux recentrer son offre autour d’Adwords, Shopping, YouTube Ads et ses services premium.

Cette décision n’a rien d’anodin. Elle s’inscrit dans une stratégie plus globale : faire de Google un environnement « safe by design » pour les marques. En interdisant certaines thématiques, Google évite que des marques mainstream se retrouvent associées à des contenus sulfureux par un mauvais placement algorithmique. C’est aussi une manière de se conformer à la pression croissante des États et des régulateurs sur les plateformes numériques : contrôle des contenus, lutte contre la désinformation, protection des mineurs…

Mais ce grand ménage soulève aussi des questions. En réduisant les zones d’expression autorisées dans l’espace publicitaire, Google renforce sa position dominante et cloisonne davantage l’accès à la visibilité. Les petits éditeurs, les annonceurs alternatifs ou les voix dissidentes peuvent se retrouver marginalisés, sans alternative efficace pour exister dans les SERP. Autrement dit : plus Google « nettoie » ses annonces, plus il renforce la dépendance des annonceurs aux formats officiels, standardisés, encadrés… et bien sûr payants.

On peut donc légitimement se demander si l’amélioration de l’expérience utilisateur ne cache pas aussi une autre ambition : réorganiser l’économie de l’attention autour de formats maîtrisés et monétisés à 100 % par Google. Une logique de jardin fermé (walled garden), dans laquelle les utilisateurs sont guidés, triés, redirigés — et les annonceurs facturés.

Vers un Web plus normé ou un Web plus segmenté ?

Ces annonces interviennent dans un contexte où la suprématie de Google est de plus en plus challengée par d’autres géants du numérique : Microsoft avec Bing et ses intégrations IA poussées, Apple avec sa stratégie de confidentialité qui modifie la donne publicitaire, Amazon qui développe son propre réseau de diffusion sponsorisée. Autrement dit, le paysage n’est plus aussi figé qu’il y a dix ans. Dans cette optique, chaque mouvement de Google est scruté et interprété comme une réponse stratégique à une perte potentielle d’influence.

Le durcissement des règles publicitaires, en apparence restrictif, répond à une logique claire : verrouiller son écosystème pour le rendre plus prévisible, plus contrôlé, et plus acceptable aux yeux des régulateurs et de l’opinion publique. En excluant certains types de contenus (armes, pornographie, tabac…), Google réduit la surface de critiques, anticipe les législations futures et positionne son réseau publicitaire comme une « safe zone » pour les grandes marques. Le message est limpide : ici, vous ne risquerez pas de voir votre annonce associée à un contenu douteux.

Mais ce verrouillage a aussi pour effet de segmenter davantage le Web. Une fracture se creuse entre les régies « mainstream » comme Google Ads et celles plus permissives, qui captent progressivement les annonceurs en mal de visibilité ou opérant dans des niches désormais exclues. Ce phénomène de segmentation du marché publicitaire numérique pourrait accentuer l’émergence de réseaux secondaires moins visibles, mais plus permissifs, et potentiellement moins sûrs.

Et la suite ? Officiellement, Google annonce une refonte plus globale de son offre AdWords pour septembre. Il est donc probable que ces restrictions ne soient qu’un prélude à une restructuration plus ambitieuse de la régie. Un recentrage autour d’un ciblage contextuel plus fin ? Une plus grande place au machine learning pour anticiper les intentions des utilisateurs ? Ou encore une intégration plus poussée avec les services Google Cloud, Maps ou YouTube ? Tout est possible. Mais ce qui est certain, c’est que Google se comporte de plus en plus comme un acteur éditorial à part entière, qui filtre, choisit, hiérarchise et décide ce qui mérite ou non d’apparaître.

Pour les éditeurs comme pour les annonceurs, cela implique une adaptation constante, mais aussi une vigilance renforcée. Car derrière chaque mise à jour, chaque ajustement de politique, il y a un enjeu de visibilité, de trafic et donc de rentabilité.

Plus d’infos sur la politique officielle de Google à ce sujet ? Retrouvez la documentation à jour ici : Google et la publicité sur les armes, tabac et contenus sensibles.

Xavier Deloffre

Xavier Deloffre

⇒ Fondateur de la société Facem Web à Arras, Lille (Hauts de France), je suis également blogueur et formateur en Web Marketing, Growth Hacking. Passionné de SEO d'abord (!), je fais des outils Web à disposition tout ce qui est possible dans la chasse aux SERPs afin de travailler la notoriété de nos clients.

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